The Context Is Cool

Lors de la conférence de presse annuelle durant laquelle les cadres du network ABC annonçaient les programmes qui seraient diffusés dès la rentrée suivante, une annonce fit un peu plus de bruit que les autres: celle de la diffusion d'une nouvelle série, « Cool », inspirée d'une histoire vraie s'étant déroulée à la fin des années 2000 à Bay Pleasant, une petite ville côtière de Caroline du Nord. La raison pour laquelle la commande de cette série par la chaine fut tant attendue et suscita tant de réactions était toute simple: l'histoire vraie dont était tirée le programme était connue à travers tout le pays et les Américains avaient hâte de voir ce qui était devenu une vraie partie de leur patrimoine entrer au panthéon des sagas télévisées. Par ailleurs, les producteurs s'étaient entourés d'acteurs parmi les plus 'cool' du moment, justement, et on les voyait de partout; en Une de Vanity Fair photographiés par Annie Leibovitz, dans les meilleurs clubs de Los Angeles et de New York, dans les tabloïds, aux fashion-shows... Ils semblaient donner au mot cool un sens nouveau. Et pourtant dans l'esprit de toute l'Amérique, ils n'étaient que de biens pâles incarnations de ceux qui, entre 2007 et 2012, furent les « cool, cooler and coolest » de Bay Pleasant. Mais cela ne les empêchaient pas d'étaler sur les les écrans de Time Square leurs visages souriants et... cool dans les campagnes publicitaires destinées à promouvoir la série; et comme le disait le slogan des spots: « Meet the Cool. »

Comme tous les premiers jours de chaque mois, même le dimanche et même le jour de l'An, les habitants de la station balnéaire de Bay Pleasant ouvraient leur boîte aux lettres et y trouvaient toujours la même grande enveloppe de papier craft; ils l'ouvraient toujours de la même manière, avec fébrilité et impatience. Sur la couverture, toujours les 4 mêmes caractères en lettres capitales: COOL. COOL, publication mensuelle lancée au milieu de l'année 2007 dans cette petite ville et qui a immédiatement rencontré un succès immédiat. Les raisons de ce plébiscite résident certainement dans la capacité de COOL à parler avec justesse de Bay Pleasant tout en ne se privant pas de pointer avec un humour acerbe les dysfonctionnements de la communauté. En outre, le postulat de départ du magazine attira bon nombre de lecteurs: se faire le représentant de ce qui était cool dans la ville, se moquer de ce qui ne l'était pas, devenir le porte-parole de tous les habitants tout en se moquant d'eux, cela fit beaucoup de bruit dans une ville par ailleurs connue pour être fort peu animée en dehors de la saison estivale; mais peu à peu, entrainée par la concurrence suscitée par le magazine, la population sembla s'éveiller, sortir de sa torpeur. Chaque mois, on espérait faire partie de la « cool-list » du magazine, on priait pour que ses tenues, ses relations, ses actes aient plu à la rédaction de COOL, et rien, absolument rien ne pouvait influer sur la décision des rédacteurs: en effet, le magazine était publié anonymement et il était donc impossible de soudoyer les journalistes, de les menacer ou même de se plaindre à eux! COOL fut une sorte de révolution dans le petit monde bien huilé de Bay Pleasant et changea du tout au tout la vie des habitants de la station balnéaire. Tout le monde lisait le mensuel, s'en inspirait; ceux qui voulaient être cool allaient dans les endroits cités comme tels par le magazine et il n'y avait pas de cool autre que ce qui avait figuré dans les pages de COOL. Évidemment, les disgrâces succédaient aux coups de foudre à un rythme effréné et parvenir à rester cool était devenu un sport local pratiqué par tous les habitants de la ville, quelque que soit leur appartenance sociale, leur âge ou leur métier; tous n'avaient qu'une seule envie: faire partie de l'élite cool de Bay Pleasant. Peu importait ce que décidaient les pontes de la mode à New York, Londres ou Paris, c'était les directives de COOL que Bay Pleasant suivait, comme un seul homme; les succès et échecs au cinéma n'étaient pas dictés par la critique nationale ou les campagnes de publicité mais par les avis tranchés de COOL; la plus grande réussite du mensuel avait été de parvenir à unir toute une ville, diverse et multiple, en un seul lectorat devenu fidèle avec le temps.

Dur dur d'être cool. Et encore plus dur d'être cool dans une ville où non seulement un magazine exerce un dictat sanguinaire et arbitraire sur ce qui est cool et ce qui ne l'est pas, mais où en plus, chacune des tenues portées, chaque geste sont décortiqués au microscope par ce même magazine et sont ensuite exposés au regard, au jugement et bien évidemment aux moqueries de vos concitoyens... Et le 1er juillet 2009, lorsque les habitants ouvrirent le magazine et en lurent l'éditorial, ils apprirent que le magazine ouvrait un site le jour-même, Cool, Cooler & Coolest, site sur lequel serait référencé ce qui était cool, ce qui l'était un peu moins, ce qui l'était un peu plus et ce qui n'était pas cool du tout... ce qui provoqua des réactions différentes d'un foyer à l'autre, d'un lecteur à l'autre et même parmi les membres d'une même famille. Lance Radcliffe soupira d'un air ennuyé et referma le magazine, Patty Roggeveen explosa de rire et se précipita sur son ordinateur afin d'y lire les premiers articles, Rowena Parker poussa un cri de surprise et regarda son fils avec effroi... Tout à coup, COOL prenait une place toute nouvelle dans leur vie, puisqu'en plus de la ration mensuelle de condamnations et d'applaudissements, le cirque de Bay Pleasant allait devenir l'attraction de ses propres clowns quotidiennement... Les petits secrets des habitants, leurs bêtises sans conséquences, leurs pelouses, leurs vêtements, tout serait passé au crible par les yeux perçants de Cool, Cooler & Coolest... Voici la page d'accueil du site: