La vengeance est un plat qui se mange froid, c'est bien ça ? (Pv Archie)

Perchée sur des hauts talons Christian Louboutin, mes formes, nouvelles, moulée dans une mini robe beige Stella McCartney, une pochette Louis Vuitton à la main, mes boucles blondes sur mes épaules, je fis mon entrée dans le restaurant le plus cool, mais aussi le plus cher, de Bay Pleasant. Le maître d'hôtel, sur son 31 comme tous les autres employés de L'Appétit, y compris le chef cuisinier, m'accueillit avec un sourire chaleureux.

«Bonjour Mademoiselle, table 7. Mr. Roggeveen m'a demandé de vous informer qu'il aura du retard.» me dit-il.
«Merci Albert.»

Je connaissais Albert, un vieux maître d'hôtel de 50 ans, depuis toute petite. Mes parents m'emmenaient souvent dîner à L'Appétit le week-end. Aujourd'hui j'avais rendez-vous avec mon père, un homme très occupé par son travail mais qui m'aimait plus que tout au monde. Un jeune serveur m'emmena à ma table, la plus prisée de la ville car elle avait une vue sur l'océan à couper le souffle, et me fit asseoir avec beaucoup de galanterie. Ce que je ne remarquais pas, bien évidemment. Pour moi ce genre de protocole était habituel, routinier je dirais même.

«Je vous sers quelque chose à boire ?» me demanda un serveur avec un plateau en argent dans la main droite.
«Une coupe de Don Ruinart s'il vous plaît» répondis-je en insistant sur les derniers mots avec un sourire charmeur.
Je glissais en même temps discrétement 100$ dans la poche de sa veste de smocking. Le serveur, un nouveau, sembla hésiter quelque instant mais se ravisa, hocha la tête avec politesse et se dirigea vers le bar.
Je n'avais que 18 ans et ici, aux Etats-Unis, je ne pouvais donc commander de l'alcool avant 21 ans. Voilà pourquoi il fallait parfois aider les serveurs à vous verser à boire. Quel pays prude, n'est-ce pas ? Heureusement aux prochaines vacances je partirais à Paris, seule car ma mère se rendait à sa thalasso à 9000$ la semaine et mon père avait je ne sais quelles affaires à régler. Hollie m'avait dit qu'en plus de l'alcool disponible à partir de 18 ans la réputation du french kiss n'était pas à refaire. Ma suite au Ritz était déjà réservée et je trépignais d'impatience de m'y rendre bien que ce ne soit pas ma première fois en Europe. J'avais déjà fait Prague, Londres, Barcelone, Milan, Rome, Berlin et même St Petersbourg.

«Voilà Mademoiselle» me dit le serveur en me posant une coupe de champagne devant moi avant de repartir vers d'autres clients.
Je buvais une gorgée de ce délicieux champagne. Je m'ennuyais. Mon père n'était toujours pas là, le site de COOL n'avait pas de maj depuis deux heures et mes talons me faisaient mal. Si je voyais mon père aujourd'hui c'était pour lui faire part, entre autre, de l'exquise vision que j'avais eu hier d'une décapotable rouge, flamboyante et à vendre. Cette garce de Molly en serait verte de rage. Malheureusement j'avais déjà dépensé plus de la moitié de mon argent de poche du mois, soit 5000$, en à peine une semaine. Il me fallait donc son aide pour l'achat de la voiture et j'étais sûre qu'il ne me la refuserait pas tout comme les précédentes fois.
Je sirotais donc tranquillement mon champagne en attendant qu'il daigne se joindre à moi et me surprenait à penser pour la enième fois à quel point ce petit séjour au Brésil aux dernières grandes vacances m'avait fait du bien.

Le plaisir et la volupté que provoquaient les soirées passées en compagnie d’amis très chers n’avaient que bien peu d’équivalents à mes yeux. Parmi ces rares élus, la lecture de n’importe quel auteur de la Lost Generation ou le concert d’un groupe d’éléctro-trash-pop-branché-rock-prétentieux-intello-rétro-décadent pouvaient prétendre rivaliser à mes yeux. Et indéniablement, mes goûts de gosse de riches plaçaient un déjeuner à L’Appétit, excellent restaurant huppé se trouvant sur Amsterdam Heights en tête de liste ; je suis un peu dur avec le moi-même de ma jeunesse : je n’étais pas tant porté sur le luxe que cela. Certes je vivais dans un luxueux duplex de Sterling Housing, et j’utilisais mon argent en étant parfaitement inconscient de la valeur réelle des choses, mais j’aurais parfaitement pu me passer de tout cet argent s’il l’avait fallu. Je n’étais pas quelqu’un de vénal et je ne l’avais jamais été ; j’aimais simplement les plaisirs et les innombrables possibilités offertes par un compte en banque rempli et une fortune assurée par des parents prévoyants et des grands-parents plus que généreux.
Lorsque je reçus cet appel de ma sœur Alexis ce matin-là, j'étais à peine levé. Rectification: il était presque midi et j'étais encore profondément endormi. La faute aux nombreuses substances que j'avais ingurgitées la veille, allant de bières tièdes à de petites pilules colorées dont je ne saurais me rappeler la forme ni même le nom. C'était pourtant un soir de semaine, et on aurait pu penser que j'aurais décidé de me coucher tôt afin de chercher un travail le lendemain matin; mais l'un des nombreux autres avantages à faire partie des couches supérieures de la populations réside dans le fait de ne pas avoir besoin de travailler. Je pouvais me permettre de sortir à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, ne pas m'occuper d'insignifiants détails tels que des horaires ou bien chercher un emploi alors que bon nombre de mes concitoyens, eux, ne pouvaient se permettre ce rythme de vie. Mon téléphone vibra quelques secondes avant que je ne sorte ma tête de sous l'oreiller pour décrocher.

Citation :

« Allô?
-Archie c'est Alexis. J'ai une grosse heure devant moi, ça te tenterait qu'on aille manger à L'Appétit? Disons dans quinze minutes?
-Dans un quart d'heure? Nom de Dieu Lex, je serai jamais prêt! Je ne suis même pas levé!!
-Alors arrête de jurer et file t'habiller. »

Je m'exécutai car je ne voyais pas assez souvent ma grande sœur pour me permettre de lui refuser cela. Qui plus est, nous ne nous étions presque pas revus depuis que j'avais quitté le pays, 13 ans auparavant, pour aller étudier en Europe et le suicide de notre mère nous avait ensuite rapprochés; mais Alexis était avocate et surtout bourreau de travail et nous n'avions que très rarement l'occasion de nous voir. Je fis donc un effort (Pour cette fois songeai-je, grognon) et m'habillai en quatrième vitesse. Un coup d'œil rapide dans un miroir me renseigna: j'étais tout à fait présentable... Rassuré, je fonçai hors de la maison et me rendis à L'Appétit en me dépêchant. Lorsque j'arrivai cependant, Alexis n'était pas encore là. Je me présentai au maitre d'hôtel qui m'amena à ma table, située exactement à côté de celle de ... Patty Roggeveen. Pour une raison qui m'échappait plus ou moins, je détestais cette fille comme si ma vie en dépendait et je décidai d'adopter une attitude qui me convenait parfaitement: l'ignorer. Je m'assis en silence, commandai un verre de Chardonnay et attendit l'arrivée de ma sœur.

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